mardi 15 janvier 2013

Editorial


Un nouveau PAen pour une nouvelle année ! Et quand nous disons « nouveau », les petites plumes, c’est du neuf de chez neuf : une nouvelle coéditrice, de nouvelles journalistes, un nouveau concept, un nouveau design, une nouvelle fréquence, bref, la totale ! Pour celles et ceux qui seraient passés à côté de l’information, le PAen paraîtra dorénavant tous les mois et demi, alternant une formule régionale (du full Plume d’Argent) et une formule nationale (le monde littéraire en général).

En ce 15 janvier 2013, c’est la formule régionale qui fait l’inauguration. Vous trouverez au programme :

- Les médaillés des concours : le PAen met à l’honneur nos plumes avec des palmes.
- Plume et astuce : Cristal aborde la question des dialogues.
- Nos Imagineurs : Slyth vous présente sa toute première interview !
- Les perles de PA : SecretSpleen étudie de près la faune folklorique de Plume d’Argent.
- Les petites annonces : lisez-les attentivement, ça vous concerne peut-être.
- La galerie des plumes : certaines plumes savent sacrément bien manier le pinceau.
Les nouvelles pérégrinations culinaires : Vefree reprend la plume… et la fourchette !


Une version PDF du PAen est téléchargeable ici : fichier pdf: PAen janvier 2013.pdf

Astuce : Faite un peu défiler la page qui s'affiche et cliquez sur 
Vous y trouverez des contenus bonus, alors pourquoi vous en priver ? Toute l’équipe vous souhaite une bonne lecture !


Cristal et Saïph, rédactrices en chef

Les médaillés des concours


31 octobre 2012 - Speed-writing de la fête des morts

À chaque Halloween, Plume d’Argent organise un concours spécial « grands frissons ». Cette année, les plumes se sont dépassées en nous offrant des nouvelles plus horrifiques les unes que les autres. Des miroirs hantés aux autoroutes de la mort, j’ai pu ajouter de nouvelles phobies à ma collection personnelle. Pour la deuxième fois consécutive, c’est Hadana qui a décroché la couronne de Reine du Sadisme avec L’éclaireur ! Après l’avoir lu, vous ne verrez plus les petits bouts de salade entre les dents de la même façon.

3 décembre 2012 - Concours de Gallimard Jeunesse

Pour fêter ses 40 ans, Gallimard Jeunesse a lancé cet été le Concours du Premier roman jeunesse, en partenariat avec RTL et Télérama. Trois finalistes ont été retenus par le jury : Fabrice Émont pour Dis-moi qu'il y a un ouragan, Philppe Laborde pour TK et… euh… moi-même pour la Passe-Miroir. C’est embarrassant de se passer soi-même une médaille autour du cou, mais je suis très fière de pouvoir représenter Plume d’Argent : sans vous toutes, je n'en serais pas arrivée là ! Nous avons, nous autres finalistes, d'ores et déjà bénéficié de conseils éditoriaux et d’une fameuse publicité. Le grand gagnant sera, lui, publié par Gallimard Jeunesse. Le public a jusqu’à la fin du mois pour lire et voter, un vote qui comptera pour une voix dans la délibération finale du jury ! Pour en savoir plus : http://www.gallimard-jeunesse.fr/Concours/Vote-du-concours-du-premier-roman1

Cristal

Plumes et Astuces


— Et si on parlait « dialogues » ? proposa Cristal.


On peut considérer qu’il existe quatre grands axes de narration en écriture : les actions, les descriptions, les introspections et nos vieux amis les dialogues ! Quand je dis « vieux », c’est à bon escient puisqu’en littérature, le dialogue nous vient de la philosophie antique : Platon et Socrate en ont fait un genre à part entière à travers la maïeutique (l’art de faire accoucher les esprits). Influencé par le théâtre, puis le cinéma et la télévision, le dialogue littéraire a beaucoup évolué depuis. Sa vocation ne se cantonne plus aujourd’hui à un discours argumentatif, elle s’est élargie à la communication dans son expression la plus globale et la plus réaliste.

— Puis-je écrire un roman sans dialogues ? demanda l’auteur.

La réponse est oui. Il existe de très bons romans où les dialogues sont peu présents, voire carrément absents. En fait, les dialogues ne sont pertinents que s’il y a des échanges et des interactions entre plusieurs personnages. Si votre narrateur est isolé, physiquement ou mentalement, le discours indirect peut suffire à résumer le peu d’échanges qu’il a avec les autres protagonistes. Exemple : « Ils m’ont dit qu’ils m’aimaient, qu’ils s’inquiétaient pour mon avenir, qu’ils ne voulaient pas que je fasse des bêtises, bref, le baratin habituel. »

Cette manière de procéder implique une contrepartie : votre écriture devra être très immersive. Il vous faudra renforcer l’introspection, plonger votre lecteur dans la tête du narrateur, le faire baigner en permanence dans ses pensées, ses émotions, ses perceptions. Sans cela, vous risquez d’obtenir un récit déshumanisé.

— Qui parle ? demanda le lecteur.

Si nous sommes tous fans de J. K. Rowling, je crois que nous avons également été nombreux à être traumatisés par ses « dit Harry », « dit Ron », « dit Hermione » à chaque réplique de dialogue. Je connais plus d’une plume qui font tout leur possible pour éviter ces incises répétitives (pour info, une incise est la petite phrase qui indique qui parle dans un dialogue). Le dialogue idéal serait celui où le lecteur n’a pas besoin des incises pour identifier le locuteur. C’est possible dans les dialogues à deux voix et quand chaque personnage à une façon bien caractéristique de parler : tics de langage, argot, pédantisme, etc.

Si vous n’entrez pas dans ce cas de figure, si une confusion est possible, alors je vous recommande de toujours préciser qui est le locuteur. Il est d’ailleurs de mon avis de le désigner par son nom plutôt que par son apparence ou sa fonction sous prétexte de ne pas vouloir vous répéter. Donc si votre locuteur a un nom, préférez-le aux « déclara le grand rouquin », « ironisa le professeur de mathématiques » ou « prétexta la belle jeune fille aux cheveux blonds ».

— Comment choisir mes verbes d’incise ? demanda l’auteur.

Les verbes d’incise ne permettent pas seulement d’identifier le locuteur, ils permettent aussi de savoir sur quel ton il s’exprime. Votre lecteur n’entend pas vos personnages, c’est donc le sens même des phrases qui peut être sujet à interprétation selon, par exemple, qu’il s’agisse d’une interrogation (« — Et tu as compris ça tout seul ! s’étonna-t-il ») ou d’un sarcasme (« — Et tu as compris ça tout seul ! ironisa-t-il »). Plus qu’une intonation, vos verbes d’incise transmettent une émotion : colère, tristesse, joie, peur, etc.

Attention toutefois de ne pas tomber dans l’excès inverse ! Il existe un nombre considérable de nuances et à trop vouloir finasser, vous risquez d’alourdir la lecture des dialogues. « — Je suis scandalisée par ton attitude ! s’offusqua-t-elle. — Oh, ça va, marmonna-t-il, tu n’es pas une sainte non plus. — Comment oses-tu ? larmoya-t-elle. — J’ose parce que tu m’énerves, grimaça-t-il. Tu t’offenses d’un rien. — Ce n’est pas vrai ! se formalisa-t-elle. etc. » Il est d’ailleurs facile de tomber dans l’écueil du pléonasme. Quand on écrit « — Tu m’as déçu, déplora-t-elle. » ou « — Je suis stupéfaite ! s’étonna-t-elle », c’est redondant.

Je terminerai ce chapitre par les verbes qu’on met en incise alors qu’ils n’y ont pas leur place. De façon générale, les verbes d’action ne sont pas destinés à la communication : « sourit-elle », « montra-t-il », « hocha-t-elle » et compagnie, au placard !

— Je survole ces dialogues, car ils m’ennuient, avoua le lecteur. Est-ce grave ?

Un dialogue doit toujours, toujours avoir une raison d’être. Quand on débute en écriture, on bascule facilement dans le bavardage stérile : les personnages qui partent dans des délires, qui tournent en rond, qui se chamaillent pour des broutilles, qui se focalisent sur des détails sans importance. À moins d’avoir la plume de Sej (notre grenouille excelle dans les dialogues absurdes à effet comique), vous risquez de lasser votre lecteur au lieu de le faire rire.

Veillez donc à ce que votre dialogue fasse toujours avancer le récit : répondre à des questions, résoudre un problème par le raisonnement, exprimer des émotions, détendre l’atmosphère ou au contraire la charger de menace, etc. Si vos personnages n’ont pas avancé d’un pouce après un échange verbal, c’est que votre dialogue est inutile.

Vos dialogues n’accrochent pas le lecteur alors qu’ils remplissent bien cette condition ? Eh bien oui, ça arrive ! Parfois, l’auteur est tellement focalisé sur l’information que doit apporter un dialogue qu’il oublie de l’adapter aux personnages. Il en résulte un échange monocorde et encyclopédique où la personnalité des locuteurs est brusquement effacée. Même quand ils contribuent à faire avancer l’intrigue, vos personnages ne cessent jamais d’être eux-mêmes. Respectez le registre de langage et de vocabulaire qui caractérise chacun d’entre eux : familier, soutenu, imagé, amoureux, etc.

Enfin, il est important de briser la monotonie du dialogue en l'entrecoupant de petites scènes de description ou d'action qui permettent au lecteur de rester incarné au milieu de vos personnages, de visualiser leurs petits gestes, leurs mouvements dans le décor, leurs changements d'expression !

—  J’en ai fini avec mes dialogues, conclut Cristal. Si vous avez des questions, des témoignages, des protestations, je les recevrai avec plaisir !


Cristal

Les perles de PA


Perles du forum Plume d'Argent :
Parce que des plumes qui papotent ensemble sur un forum dédié à l'écriture, ça vaut souvent le détour, nous vous proposons un aperçu de ce que cela peut donner. Voici les petites perles que nous avons sélectionnées pour vous dans ce numéro...

"Flammy nous embrouille avec ses incessantes turlupinades, mais elle est si drôle qu'on en rit plus qu'on ne s'en vexe. "
Par Cristal ( La Foire aux mots, 29 Jan 2009)

" rien n'empêche de faire un polar ou une bonne romance au milieu d'un univers fantastique avec des petites fées, des gros trolls et des lutins farceurs. "
Par Tidoo ( Et si vous faisiez autre chose..., 1 Aou 2009)

" Un conseil : n'écrivez JAMAIS dans un bus. Ca donne très envie de vomir."
Par La Ptite Clo (Bûcher Collectif, 11 Oct 2007)

"[La vieille dame] t'a fait une queue de poisson et t'a bousculée en sortant du bus ? elle t'a piqué ton siège ? elle t'a écrasé le pied puis t'a engueulée alors que c'était de sa faute ? ça arrive souvent... et pas que dans le bus, peuh...
Pendant qu'j'y pense,[Kalten] t'as fait la même bourde que moi tout à l'heure... t'es censé mettre tout ça au bûcher, pas lui offrir des hamsters... MDR"
Par SilverSun (Bûcher Collectif, 23 Oct 2007)

"Ce que j'aimerais vivre dans la Comté, moi aussi. Faudrait juste que je rapetisse un bon peu pour passer les portes..."
Par Vefree (Movie, THE HOBBIT - An unexpected journey, 20 Dec 2012)

"Hoo !
C'est toi qui nous sauve de la fin du monde alors Drago ! Les incas semblaient pas avoir prévu la naissance de l'Elue "
Par Beul ( Happy Birthday's, Smaug a de la concurrence !!!, 21 Déc 2012)


Citations d'auteurs du site Plume d'Argent:

Vous les avez lus, peut-être commentés, et sans doute vous-êtes vous dit au fil de vos réflexions que certains passages mériteraient d'être cités dans des conversations hors contexte, juste pour la beauté des mots et des phrases savamment agencées ? Retrouvez dans ce numéro quelques citations qui ont retenu notre attention ce mois-ci, et n'hésitez pas, pour les parutions futures, à nous transmettre vos propres suggestions ! Elles n'en seront que mieux appréciées !

« Le ghetto avait eu jusqu’à présent une longévité extraordinaire. Le temps s’y était enfui tant et si bien qu’il avait été impossible de le retrouver. Au dehors, à Venise et sur le reste du continent, on était au printemps de l’an 1432. Mais Murano, pour sa part, s’éveillait chaque matin sous un soleil de plomb suspendu dans cette drôle d’époque sans âge et sans chiffres, accablée sous les braises rougeoyantes et les rayons d’un soleil parsemé de nuages opaques.
Luca restait persuadé que le temps demeurait tapi quelque-part, que ce soit au détour d’une ruelle ou dans les recoins d’un vieux grenier, peu importe. Il devait bien être possible de le retrouver. »
Par Jamreo dans Cinq lions de cendres sur Fictions Plume d'Argent.

 « Une lueur orangée éclaira alors la pièce par l’immense fenêtre. Lucian lança un regard irrité au ciel gris qui commençait à se parer des lueurs fauves de l’aube. Au dehors, une nouvelle journée venait éclairer ce lieu où le soleil n’existait…De toute façon il n’y avait personne pour en profiter. Elles n’étaient pas légion les âmes qui peuplaient le royaume des limbes, son domaine.
Un geste sec de la main et les lourds rideaux qui encadraient l’ouverture se tirèrent brusquement. Il n’aimait pas le lever du jour. Comme si cette pâle copie de l’aurore se moquait de lui. Le souverain d’un royaume peuplé d’une poignée de malheureuses âmes errantes. Une réplique fade et sans saveur du monde des vivant. Un roi sans sa reine. »
Par Moonchilds dans Valériane sur Fictions Plume d'Argent.


« — Mon Dieu, Chloé ! Qu’est-ce qui t’est arrivé ? s’exclama Suzie, aussitôt qu’elle aperçut sa collègue.
Le visage inondé de larme, les cheveux en bataille et les vêtements maculés de neige sale, Chloé pénétra dans la clinique d’un pas boitant. Elle s’était mise à pleurer sitôt le coin de rue tourné et n’avait pas cessé depuis. En arrivant à la clinique, son soulagement fut tel que ses sanglots redoublèrent d’intensité.
— Éric! ÉRIC! hurla Suzie. Appelle la police, Chloé a été agressée…
Une seconde plus tard, son patron déboulait dans le vestibule de la clinique avec David sur les talons. Les deux retinrent leur souffle en apercevant la jeune vétérinaire.
— Je n’ai pas été attaquée, pleurnicha-t-elle. C’est moi qui ai agressé quelqu’un… »
Par Honey dans Ennemis génétiques sur Fictions Plume d'Argent.

" Trahison. Mésalliance. De bien grands mots qui ne traduisaient qu’une interprétation simpliste et néfaste des faits. Mais à force d’être murmurés de la bouche des uns à l’oreille des autres, ils flottaient comme des effluves de poison que ni la richesse, ni la puissance, ni l’héroïsme ne pouvaient dissiper."
Par Béatrix dans Un Echo Impromptu sur Fictions Plume d'Argent.


"- Alors voici le musée d’art moderne… très artistique à mon goût même si le style est… moderne. Les principes esthétiques supérieurs et les concepts abstraits sont respectés : la symétrie, les proportions et les nombreuses ouvertures à la lumière sont parfaites. Le plan régulier, l’égalité des travées, l’alignement des baies ainsi que…, commença le vampire avec enthousiasme sans pouvoir s’arrêter… jusqu’à ce qu’Elana l’assomme d’un grand coup sur la tête."
Par zhenli dans Un destin inattendu sur Fictions Plume d'Argent.

"L’iPhone 5, dernier de sa génération!
Et iPhone réinventa l’iPhone. Plus fin, plus léger. Tellement plus dans tellement moins. Un écran rétina de 4 pouces. Pas simplement plus grand. Simplement plus parfait. Une connectivité plus rapide. Puce A6. Appareil photo iSight. iOS 6. Que demander de plus? Je ne sais pas. Je ne sais déjà pas ce que représente tout ce blabla. Je n’y comprends rien à la technologie moderne. Le train de l’évolution ne s’est pas arrêté à ma gare. Mais peu importe, nous vivons dans un pays où les gens naissent libres et égaux, même les plus idiots, alors je fixe la vitrine de la boutique Orange comme un bovin en attendant qu’elle ouvre.
Il pleut. Mais on s’en fout!"
Par XenjaX dans 21 Septembre 2012 sur Fictions Plume d'Argent.

Nos Imagineurs


Chers lecteurs et lectrices de tous les horizons "plumesques" possibles et imaginables, bonjour !

Comme certains d'entre vous le savent déjà (les autres le devineront peut-être en lisant ces premières lignes), Secretspleen a désormais décidé de s'occuper de la rubrique "Citation d'auteur" du journal. Et j'ai l'immense plaisir de vous annoncer que c'est moi qui ai repris le flambeau, un véritable honneur pour la (presque) petite nouvelle que je suis.
Quant à ma toute première interview, quoi de plus logique que d'approcher mon illustre prédécesseur en personne ! Elle a gentiment accepté de se mettre de l'autre côté du miroir et je vous propose de découvrir ensemble une partie de sa facette d'auteur...



1. Pour commencer, cherchons à te connaître un peu mieux… Depuis combien de temps écris-tu ? Tu es capable de te rappeler des premières lignes qui ont pris vie sous ta plume ?

Depuis que j'ai appris à écrire. Ça devait être... à l'école primaire. La première fois, c'était complètement dingue ! Je crois que je m'étais mise en tête d'écrire mon testament. J'avais genre 7-8 ans, et je me disais que le rédiger avec mon stylo plume de l'école, sur une feuille de papier fax, ça le rendrait vachement cool. Et je me suis imaginée, très vieille, avec plein de trucs à léguer à ma famille. De la pure fiction ! Mes parents se révélaient plus jeunes et héritaient de mes chaussettes, ma sœur gardait ma barbie Roller Sparks, mon petit frère avait droit à mes legos... Tout un programme quoi. J'ai retrouvé la feuille dans mon grenier il n'y a pas longtemps chez mes parents.

2. Comment le goût de l’écriture t’est-il venu?

Bien après le goût de conter des histoires féériques dans la cour de l'école. Et juste après que ma famille et le système scolaire me disent "ta gueule" chacun à leur façon. Je les ai pris au pied de la lettre. C'est comme ça que tout a commencé. Un "ta gueule" de trop a suffi à me faire radicalement basculer de la tradition orale à la tradition écrite.

3. Côté lecture, vers quels genres de fictions et de fanfictions te diriges-tu le plus facilement sur le site ?

Je dévore tout ce qui passe, par curiosité. J'aime lire les nouvelles et les anciennes plumes, les maladroites comme les plus aguerries. Les seules histoires qui ne m'attirent pas sont celles où l'auteur s'est placé en vedette dans son intrigue et qu'il ne s'agit pas d'une auto-biographie. Je me sens intrusive dans son intimité, et c'est désagréable. Je me détourne aussi des fictions dont les auteurs ne supportent pas la critique, même les plus respectueuses et objectives. Ceux qui n'admettent pas qu'ils doivent encore progresser. Lire sur Plume d'Argent est synonyme d'entraide, et d'échanges constructifs. Rien ne me peine davantage que de voir mes commentaires être supprimés parce qu'ils n'étaient pas au goût d'Untel ou Truc.

4. As-tu des attentes particulières lorsque tu lis d’autres auteurs ? Es-tu une lectrice du genre exigeante ?

Je suis très exigeante... seulement sur les textes que j'écris. Quand je lis les textes des autres en revanche, je préfère lâcher prise. La lecture n'en est que meilleure. Du moment qu'un auteur arrive à bien me distraire, que je ne me pose pas trop de questions inutiles, je me montre très compréhensive.
Là où ça se corse, c'est quand on prend mes interrogations pour des critiques ou des attentes, alors que ça reste de simples interrogations la plupart du temps. Les limites du langage écrit, je suppose. Ah ! Et je n'exige pas non plus qu'on prenne mes possibles critiques en compte. Quand je m'exprime sur un texte, j'estime que l'auteur peut bien faire ce qu'il veut de mon avis. Y compris ne pas en tenir compte si ce que je dis est à côté de la plaque. Alors je partage mes impressions une fois, voire deux, et puis je passe à autre chose. Ce qui est drôle (mouarf !) c'est qu'il semble que ceux que je lis se mettent eux-mêmes la pression quand ils savent que je fourre le nez dans leurs fictions. Je me demande comment ils réagiront quand ils liront cette réponse-là.

5. Si tu le veux bien, parlons maintenant de l’une de tes œuvres, L’Amulette d’un ange. Comment t’es venue l’idée de cette saga ?

L'Amulette s'est construite sur la base de rêves que je faisais à l'âge de 13-14 ans, et qui revenaient, se suivaient, se complétaient. Chose étrange, j'y étais simple spectatrice. Je ne faisais pas partie de l'histoire ou des équipes de personnages qui y vivaient leurs aventures. C'était comme être catapultée dans un autre monde où vous voyez tout ce qui s'y passe, mais où personne ne peut vous voir ou vous entendre. Parfois je zappais sur la chaîne Amulette pour y voir ce qui se passait pendant mes heures de sommeil, ou mes périodes d'ennui. Au début, j'ai écrit ces rêves pour ne pas les oublier. Ensuite j'ai eu envie d'approfondir, de boucher les trous, et d'achever l'histoire. Et afin de retranscrire le plus fidèlement ce que je voyais/imaginais, je me suis mise à être hyper-exigeante sur le plan de l'écriture.

6. Est-ce que cette histoire possède déjà une fin ou tout reste-t-il encore à inventer ?

Non elle n'a pas de fin. J'ai déterminé qu'après 9 mouvements, j'arrêterai probablement de l'écrire, je lui trouverai une conclusion très honorable. Mais on pourrait continuer ainsi indéfiniment. L'univers dans lequel elle s'inscrit est si riche, qu'il est tout à fait possible d'y rédiger des nouvelles, de développer des personnages secondaires qui vivent leurs propres aventures.
J'ai inventé l'équivalent de 9 mouvements que je peine à rédiger faute de temps, de disponibilité d'esprit. Mais elle ne semble pas avoir de limites. En tout cas, si elles existent, je ne les ai toujours pas trouvées.

7. Dis-nous tout : est-ce que tu as recours à des grigris, un doudou ou une danse spéciale pour faire venir l’inspiration ? Autre chose peut-être ?

J'ai hérité d'une imagination puissante et sans borne. Pas besoin de grigris ou autre. L'inspiration ne se tarit pas. C'est comme le cycle de l'eau. Parfois il faut attendre le dégel, mais je ne suis jamais à sec. Et plus je m'ennuie dans la vie, plus je deviens créative. Ça ne concerne pas uniquement l'écriture. J'exprime mon imagination avec la même générosité en peinture, et en inventions de toutes sortes. ( en mécanique par exemple )

8. Avec une imagination pareille, tu ne dois pas vraiment connaître le fameux "syndrome de la page blanche" !

Certes ! Après si on m'impose un sujet, ça prendra un peu de temps et de réflexion. J'ai plein de carnets de notes remplis de textes d'histoires que je rédigeais hier, et que j'écrirai un jour. C'est cool d'avoir autant d'imagination, uh ? Oui, mais à quel prix ? Si je la laisse libre de créer dans ma tête ce qu'elle veut, elle me montre le pire comme le meilleur. Je crée des tas de scénarios pour des situations données. Je suppose énormément, même ce que pensent les autres. Les livres perdent leur suspense, les films sont convenus d'avance, déterminer quelle fin écrire à un roman est difficile. Tombez malade avec 41 de fièvre, je ne vous décris pas les hallucinations ! Donc il faut faire attention. Rien ne m'autorise à penser à votre place. Le lâcher prise, c'est bien pour savourer un film ou un livre plutôt que de tout deviner en avance. Je cultive la prise de recul et le bien-être intérieur quotidiennement. Surtout je replante régulièrement mes pieds sur Terre. Bref, un conseil ? Si vous voulez avoir une belle et prolifique imagination, faites en sorte d'être bien dans votre peau, et sain d'esprit dans votre tête.

9. Question de fan : Ton texte met en scène une héroïne aveugle, Anna. Comment fais-tu pour te mettre à la place d’un tel personnage et décrire son ressenti ?

C'est assez naturel en fait. Je ne vais pas mentir en disant que j'ai bien calculé mon coup. Ce n'est pas vrai. Quand je crée un personnage, j'arrive à ressentir ce qu'il peut ressentir. Je peux me mettre à sa place et c'est comme s'il existait, là, quelque part, et qu'on se tapait la discute autour d'un café. Je sais ce qui va lui passer par la tête, je connais ses réactions potentielles, sa psychologie. Je sais comment il peut évoluer selon ce que j'invente dans son intrigue. Après tout c'est moi qui l'ai créé. C'est aussi ce qui explique que je déteste parler de moi dans mes textes. Les histoires à caractère égotiques et auto-fantasmées ? Je refuse d'en écrire ! Il est déjà suffisamment pénible d'apprendre à se connaître soi-même dans la vie, sans devoir encore en rajouter une couche dans des univers imaginaires. Et puis il n'y a aucun suspense quand vous vous greffez à l'intrigue d'une histoire 'pour la vivre'. Tout est déjà convenu par vos propres limites conscientes ou inconscientes. Dans mon cas, ça ferait des histoires sans surprises, et je m'y ennuierais à coup sûr.

10. Pour finir, y aurait-il quelque chose en particulier que tu voudrais dire aux personnes qui sont en train de nous lire ? Un message à leur transmettre ?

Ouaip ! Vous êtes tous super ! Et sachez que vos critiques positives ET négatives sur mes textes sont toujours grandement appréciées. J'aime votre franchise, les conseils que vous me donnez. On fait tous des erreurs. Au risque de surprendre certains parmi vous, j'ai aussi des progrès à faire en écriture. Continuez à oser me faire savoir quand je me plante ou sème des coquilles dans mes textes.

Enfin, je voudrais remercier toutes les plumes qui se sont déjà exprimées au cours de précédentes interviews. Sérieusement, je n'imaginais pas à quel point ça pouvait être difficile de répondre à ces questions. Je me suis bien arrachée les cheveux ! Merci aussi à Slyth qui a eu la gentillesse de reprendre le flambeau. Je trouve qu'elle s'en sort déjà très bien ! Au plaisir de vous lire bientôt ! Enjoy !


Ainsi s’achève cette interview. Un grand merci à Secretspleen pour le temps qu’elle m’a consacré malgré un planning chargé ainsi que son aide très précieuse pour mes débuts au Journal PAen : j’ai pris beaucoup de plaisir à préparer cet entretien avec elle et j’espère que vous, lecteurs, en aurez eu tout autant à le lire ! A toi, chère Spilou, je souhaite une excellente continuation ainsi que plein de bonnes choses pour cette nouvelle année qui commence !

A titre plus personnel, je tenais à remercier infiniment toute l’équipe du Journal PAen pour m’avoir permis "d’entrer dans la bande" et m’offrir la chance de participer à cette belle aventure !

Au plaisir de pouvoir vous faire découvrir d’autres Plumes comme vous ne les avez (peut-être) jamais vues, je vous dis à la prochaine et vous salue bien bas,

Slyth

La galerie des Plumes

La galerie des Plumes :



Hadana (Illustration de Deception, fanfi ction du film Inception)
Site web : http://hadanette.tumblr.com




Beul (Illustration de Fiesta sous les Mottes, 
dessinée à la main, finalisée avec Photoshop)
Site web : http://beuldesbois.tumblr.com/



Shaoran85 (Illustration de La Légende des Cinq Terres
Oubliées réalisée avec le logiciel de modélisation Blender)
Site web : http://sushipremier.blogspot.fr

Les nouvelles pérégrination culinaire


Les nouvelles pérégrination culinaire :

Solenne de Barjac est une jeune femme vive et observatrice. Parfois emportée et enthousiaste, parfois recentrée sur elle-même, elle voit le sens du vivant dans la nourriture.

Avant d’hériter d'un château en Bourgogne avec son frère, Solenne voyageait énormément. Elle découvrait mille et une façons de se nourrir ainsi que des recettes étonnantes. Elle apprenait petit à petit l’importance de l’amour et de la nourriture. Toutes ces expériences vécues lui ont permis de construire et de mettre en forme un livre de cuisine qui bouleversa sa vie. Il a pour titre : «Manger, un acte d’amour ?»

Ce livre, dont nous suivrons la création, est donc le résultat de toutes ses pérégrinations culinaires glanées de par le monde. Une plongée vertigineuse dans une vision atypique du Bien Manger.





Les  Réveillons de  Solenne

Menu 
 
 

  • crème brûlée au foie gras et à la truffe noire du Luberon
  • souris d’agneau en croûte d’épices
  • glace menthe et crème chaude au chocolat, corne d’abondance aux truffes griottine
 
 

C’était un défi. Un affront, même. Non qu’elle n’aurait su passer outre, mais, son orgueil mis à mal, elle se faisait un point d’honneur de réussir le menu ambitieux qu’avaient proposés Paul et leurs amis. Des gourmets insensés ! 
  
 

Ils ne savaient pas ce qu’ils avaient lancé là. Le réveillon pourrait très bien finir dans un fiasco retentissant tout comme être une merveille sublime, une infâme frigidité salivaire ou un orgasme merveilleux pour les papilles éveillées de tout ceux qui assisteraient à ce repas de réveillon. Tout dépendait de la cuisinière et elle le savait. Elle savait aussi que rien ne lui serait épargné ; ils l’attendaient au tournant, pouvant notamment arguer qu’elle venait de passer cinq jours de stage chez un chef étoilé et qu’elle avait appris les gestes. En somme, tout se liguait pour qu’elle n’ait pas droit à l’échec. 
  
 

Pourtant, portée par l’aventure, salivant d’avance à mettre en œuvre des produits prestigieux, c’est avec entrain qu’elle constitua sa liste de courses, bravant les files d’attente dans le froid aux abords des meilleures boutiques gastronomiques de la ville et sollicitant ses meilleures adresses afin de dénicher de quoi relever ce fameux défi. Quel était-il ? Une crème brûlée au foie gras et truffes du Luberon en entrée, une souris d’agneau en croûte d’épices en plat et une glace menthe-chocolat avec sa crème chaude au chocolat, une corne d’abondance aux truffes griottines. Ah, et puis ne pas oublier de trouver les vins qui accompagneraient de si belles perspectives. Autant y croire, non ? Il serait franchement dommage de gâcher une telle promesse de bombance. 
 
 

Son panier rempli de produits hautement gastronomiques, elle poussa la porte d’entrée de l’appartement qu’elle partageait avec Paul, déposa, manteau, écharpe, gants et bonnet, sac-à-main et clés dans l’entrée et, sans attendre, investit sa cuisine pour se mettre au travail. Ceinte dans un tablier de lin brodé de son prénom - c’était son cher et tendre qui le lui avait offert juste avant le fameux stage de cuisine chez Eric Frechon - elle avait l’après-midi pour réussir le ravissement des papilles tant attendu. Trois plats et une multitude de manipulations en perspective, il fallait une bonne dose d’organisation et penser à tous les détails. Avant même de faire les courses, elle avait élaboré sur le papier le contenu et la présentation des assiettes, histoire de prévoir à l’avance la vaisselle qui mettrait le mieux en valeur ses plats. Pour Solenne, comme pour tous les passionnés de cuisine, dresser une assiette harmonieusement était un élément majeur d’une création culinaire. Il était hors de question de bâcler cette étape, essentielle pour elle et ô combien artistique. Elle entrecroisa ses dix doigts, tendit les bras devant elle et fit craquer ses phalanges. C’était parti !!!   
 

 
 

Tout d’abord, commencer par faire mariner les souris. Il leur fallait deux heures de macération bien enrobées d’aromates divers, d’huile d’olive et de persil. Ceci expédié au frais, c’était ensuite le dessert qui demandait le plus de temps de préparation. Elle rassembla les ingrédients, récipients de feu, un saladier, sortit la sorbetière du placard. Déjà, le lait et la vanille exhalaient une merveilleuse odeur tout en tendresse hors de sa casserole. Lorsque le mélange se mit à bouillir, elle ajouta les branches de menthe pour qu’elles infusent. Et là, cette sublime senteur excitante et poivrée de l’herbe aromatique embauma toute la cuisine. Une fraîcheur inégalable. Fouetter les œufs avec le sucre jusqu’à ce que le mélange blanchisse. Un jeu d’enfant qui pouvait rendre Solenne euphorique si tant est que son imaginaire l’emportât vers d’improbables contrées. Mais, concentrée, elle ne se laissa pas envahir par ses émotions. En plus, elle devait concasser des carrés de chocolat afin de les incorporer à ce qui sera bientôt une glace menthe-chocolat. Cet ingrédient, aussi tentateur que sublime, lui intimait déjà de succomber, d’en goûter ne serait-ce qu’une miette ; elle ne put résister à coller un petit éclat sur son index et le déposer sur sa langue. Corsé, fondant, noir, excitant à souhait. Elle mélangea les œufs sucrés au lait infusé en passant le tout sur un feu doux. En faisant des «huit» incessants dans sa casserole, le mélange prit petit à petit une consistance crémeuse qui nappait sa cuillère en bois. Une fois que ce serait refroidi, il resterait à verser le tout dans la sorbetière avec le chocolat concassé et la machine s’occuperait de finir le travail et de glacer l’ensemble. 
  
 

Une autre préparation demandait un temps de cuisson un peu longue : l’entrée. Une crème brûlée au foie gras. Ce n’était pas vraiment compliqué en soit ; chauffer du lait avec des morceaux de foie gras dedans ; casser des œufs ; mélanger le tout ; mixer sans faire mousser, puis verser dans des ramequins peu profonds et enfourner à quatre-vingt-dix degré pendant trente à quarante minutes. Simple ! Et ne pas oublier bien sûr une petite rasade de Sauternes dans l’appareil et quelques pelures de truffe. Là, le nez au-dessus d’un ramequin prêt pour le four, Solenne ferma les yeux de plaisir. Les effluves de sous-bois si particulières du précieux champignon mêlées aux senteurs d’alcool liquoreux provoqua en elle de furtives images d’aventures champêtres vécues auparavant en des temps de balades luberonnes ou bordelaises. Papa et maman de Barjac vivaient en sud-bordelais, dans un vignoble aussi exigeant que prestigieux : le voisin du Sauternes-Barsac ; le Graves. Là-bas, ses souvenirs d’enfances se bousculaient et refaisaient surface, là, en cuisinant. 
 
 

Le dessert avait plusieurs étapes de préparation et il fallait confectionner les cornes d’abondance en chocolat. C’était la partie la plus délicate et jamais tentée pour Solenne. Sur une base de ganache, versée dans une petite poche de papier sulfurisé qui sert de cône, il fallait faire couler le chocolat pour former un entrecroisement de filaments tout fins sur une surface plane. La jeune femme réalisa cela avec une concentration extrême, découvrant les gestes en même temps qu’elle les faisait. Elle en oubliait totalement de s’abandonner au parfum si envoûtant du cacao. Après avoir coupé la petite pointe du petit entonnoir en papier qu’elle avait rempli de chocolat, le bout en l’air pour ne pas en perdre une goutte, elle approcha sa poche de la surface et commença de dessiner des zigzags de fil de chocolat, une fois dans un sens, une fois dans l’autre, afin de former au final un triangle grillagé. Sans attendre, à l’aide d’une large spatule de métal, elle décolla l’ouvrage et, délicatement, roula le triangle sur lui-même pour former un cône. Encore plus doucement, elle tordit légèrement la pointe vers le haut pour lui donner la forme d’une corne. Réussi ! Mais ce n’était pas fini. Il fallait recommencer l’opération pour autant de convives, autrement dit, six fois en tout.  
 

 
 

Tandis que les cornes d’abondances à l’aspect grillagé étaient réservées sous une cloche de verre, posées sur la table du balcon, notre cuisinière émérite s’attaqua aux truffes à la griottine. Des truffes au chocolat classiques avec un trait d’alcool de griotte et un fruit dedans. Les effluves chocolatées subtilement alcoolisées étaient entêtants. Les yeux fermés et les narines en avant, Solenne se permit cette fois de humer avec bonheur la promesse d’un dessert en apothéose. Les boules ainsi fourrées et roulées dans le cacao amer vinrent rejoindre les autres préparations sur la table du balcon. Par un temps d’hiver, il était agréable de trouver un frigo géant qui ne demandait aucune énergie, et elle ne se privait pas d’étaler ce qu’elle préparait bien au frais, attendant sagement le dressage final.  
 

 
 

Il restait une dernière chose à faire concernant le dessert : la sauce au chocolat. Encore un prétexte pour se shooter à la cosse exotique ! Le nez sur le bain-marie, la cuillère montant et descendant pour apprécier l’onctuosité de la sauce brune, la jeune femme s’extasiait encore.   
 

 
 

Maintenant que toutes les phases du dessert était exécutées, que les crèmes au foie gras une fois cuites au four prenaient le frais sur le balcon, Solenne put commencer la préparation de son plat principal. Les souris d’agneau venaient directement de chez son producteur de moutons préféré. De jolis cônes de viandes accrochés à leur os, persillé à souhait. Elle prépara la croûte d’épices composée de beurre pommade, de chapelure fine et un mélange de coriandre, curry, cumin, sel et poivre. Le tout amalgamé sous la forme d’une pâte, foncée à l’aide d’un rouleau à pâtisserie entre deux feuilles de papier sulfurisé, fine d’environ cinq millimètres et mise au frais pendant quelques dizaines de minutes. Là, les effluves épicées, bien qu’exotiques elles aussi, évoquaient en la jeune femme des souvenirs de marchés indiens, réunionnais ou malgaches, un orient lointain aussi ; la Thaïlande, le Laos, les Philippines, l’Indonésie. Un rassemblement joyeux et haut en couleurs, où l’oeil s’exerçait à distinguer toutes les nuances, où les odeurs se mélangeaient allègrement, de la pestilence des poissons en saumure à la délicate fragrance du safran et de la coriandre fraîche. Le bleu de l’océan et les plages de sable blanc venaient cerner tout ça sous un soleil de plomb. Tout en cuisinant, Solenne voyageait en souvenirs. 
  
 

En garniture des souris, elle prépara une poêlée de champignons des bois, pieds de mouton, girolles, pleurotes et champignons de paris bruns, le tout revenus dans une poêle avec de l’huile d’olive et des échalotes. Elle finit sa poêlée avec sel, poivre, crème fraîche et persil plat haché. D’un autre côté, elle confectionna une autre garniture faite d’un subtil mélange de potimarron, de graines de sésame et de pois gourmands. Le tout cuit et émincé de façon à les présenter en fine et longue julienne. Passée dans une poêle chaude avec du beurre fondu, l’autre garniture était pleine de couleurs, orange, vert parsemé du blanc des grains de sésame, l’ensemble avait une allure qui flattait l’œil. Le tout devra être gardé à température et réchauffé au moment du dressage.  
  
 

La marinade de la viande ayant fait son temps, la jeune femme fit rôtir les souris dans une poêle huilée, tout en les arrosant de leur jus régulièrement. Puis, elle sortit la préparation beurrée aux épices du frais et tailla de grands triangles dedans, avec une pointe tronquée. Elle enroba chaque souris bien dorées, soigneusement chemisées, rangées dans un plat allant au four et passé au grill au dernier moment pendant cinq minutes. 
  
 

Les mains sur les hanches, Solenne s’octroya une pause dans son entrain ininterrompu depuis trois bonnes heures. Un petit verre de Sauternes pour arroser ça ne lui ferait pas de mal. Au contraire. Elle passa ses deux mains dans ses longs cheveux roux, histoire de les rassembler de nouveau en une couette qui ne tenait pas bien. Elle reprenait un peu de peps pour les derniers préparatifs ; dresser une jolie table de réveillon dans la salle-à-manger ; préparer quelques amuses-bouches pour l’apéritif ; mettre le champagne et le Sauternes au frais ; décanter le Santenay premier cru 2008 prévu pour accompagner les souris.  
 

 
 

La finition des crèmes brûlées se ferait au dernier moment, en saupoudrant de cassonade brune et en la flambant avec du cognac. Le sucre se transformerait en caramel, avec une jolie odeur. Elle aurait aussi à poêler les morceaux de foie gras réservés au frais, dorés sur chaque face et disposés délicatement, bien chauds, sur les crèmes, avec quelques fines tranches de truffe noire fraîche déposées dessus. 
 
 

Alors qu’elle s’appliquait au dressage d’une belle table de réveillon, elle mit un point d’honneur à ne pas reproduire celle qui avait été faite pour Noël à recevoir la famille. Non. Pour ses amis et ceux de Paul, elle voulait quelque chose de différent. Pas de guirlandes argentées, pas de boules multicolores, fragiles et suspendues de partout dans la pièce, pas de nappe rouge, verte et blanche, pas de chaussettes tricotées pendues sur le manteau de la cheminée, pas de flocons de neige en plastique, pas de sapin clignotant et son pied rempli de paquets, pas de petits grelots au-dessus de la porte, bref... Noël, c’était fini. Pour ce réveillon-là, elle et sa maman avaient confectionné la fameuse dinde aux marrons. Une recette de grand-mère Richard qui avait été éprouvée par trois générations et assurait un succès certain. Du grand classique. D’ailleurs, ce que Solenne préférait dans ce plat, c’était justement la farce et les marrons qui accompagnaient la bête. «Le petit jésus en culotte de velours !» s’exclamait-elle chaque fois en fermant les yeux de délice. En entrée ? Des aspics de saumon fumé, avec sa crème de tarama et son brin d’aneth emprisonné dans sa gélatine de vin blanc. Ils étaient accompagnés d’une sauce hollandaise fraîche et succulente. Et pour parfaire un réveillon tout en traditions, le dessert fut une bûche de Noël orange et chocolat. Sa mère avait confit elle-même les tranches d’orange dans le sucre pendant plusieurs jours en laissant refroidir entre chaque cuissons. Puis, elle avait fini le travail en trempant le tiers de la tranche dans du chocolat, histoire de donner du style au décor de la bûche. 
 

 
 

Là, Solenne œuvrait pour le réveillon du jour de l’an. Le défi prenait belle tournure. 
  
 

Chemin de table en organdi blanc rehaussé de motifs pailletés d’or, sur une nappe de lin blanc immaculé, le brillant et le mat flattait la blancheur générale, les serviettes assorties serrées dans leur rond de métal doré, formait la base d’une table rectangulaire pour six personnes. Solenne avait sorti l’argenterie de leur mariage ; une ménagère gravés de leurs initiales. Elle l’avait choisie elle-même à l’époque pour la forme simple et la bonne prise en main. Paul avait insisté pour faire graver leur union. Pas moins de quatre verres à pied en cristal pour chaque convives furent disposés face aux sous-assiettes dorées. La flûte à champagne, le verre ballon pour le Bourgogne, le verre oblong pour le Bordeaux et le verre à eau. Le chic ! De la simple porcelaine blanche aux formes ovales pour donner un peu d’asymétrie à l’ensemble ; une touche moderne, histoire de coller à leur génération de trentenaires. Des repose-couteaux faits d’une branchette de noisetier coupée en biseau, un brin fleuri vert et blanc délicatement posé sur les serviettes blanches dans leurs ronds, un centre de table composé de fleurs blanches et de brindilles ouvragées, agrémenté d’imitation de cristaux pour donner le ton de l’hiver, ainsi fut composée la table de réveillon de Solenne. 


 

Restait à mettre en œuvre quelques amuses-bouches pour l’apéritif. Elle opta pour des maki de saumon fumé, fourré de fromage de chèvre frais fouetté à l’aneth ainsi qu’un velouté de marron en capuccino servis chauds. Pour le premier, la jeune cuisinière, monta une chantilly dans laquelle elle avait incorporé des baies de sansho réduites en poudre pour lui donner son goût particulier de citron-citronnelle s’accordant si bien avec le poisson. Puis, mélangée délicatement au fromage de chèvre préalablement fouetté, chantilly salée et fromage s’assemblaient un peu comme une mousse au chocolat. Ensuite, elle déposa cette préparation sur chaque tranche de saumon fumé, puis roulée sur elle-même et ensuite coupées en tronçon, comme des maki. Pour la crème de marron, elle fit réchauffer des châtaignes déjà pelées et cuites ainsi qu’une pomme de terre déjà cuite aussi dans un bouillon de volaille. Dans une autre casserole, elle fit flamber puis réduire du cognac avec une échalote finement hachée. Les deux préparations furent mélangées puis mixées bien finement avec de la crème fraîche. Remis sur un feu doux pour réchauffer l’ensemble, ceci constitua la base servie dans un shooter. Enfin, elle refit une autre chantilly, celle-ci avec juste une goutte d’arôme de vanille, histoire de sublimer la saveur de la châtaigne. Elle remplit un siphon, le secoua énergiquement, et, tout en pressant la détente le récipient la tête à l’envers, appliqua une pichenette de chantilly à la vanille sur chaque shooter rempli de crème.  
  
 

Ainsi, tout était prêt. Les mains sur les hanches, observant sa cuisine dans un joyeux désordre, Solenne esquissa un demi-sourire de satisfaction. Tout ce travail l’avait entièrement nourrie subtilement. Elle n’avait même pas faim. Encore une petite douche et une robe de circonstance et il serait temps pour tous les invités de juger de la qualité de ses préparations. Paul s’invita silencieusement dans son dos en l’entourant de ses bras et d’un baiser dans son cou fraîchement parfumé.  
  
 

«Alors, ma belle, penses-tu qu’on va se régaler, ce soir ? susurra-t-il amoureusement. 
  
 

La sonnette de l’entrée retentit...